Bon, ça y est. Elle a commencé la drogue, vous vous dites sûrement en lisant le titre. Nope. Du tout. Mais en cette nuit d'insomnie, j'ai eu envie d'écrire. Je me suis couchée quand même tard, vers 23:30 (oui, maintenant c'est tard pour moi….). Je me suis mise à réfléchir. L'insomnie est tenace et parfois, presque mon amie. Parce qu'elle me permet de réfléchir. Mais ce soir, les réflexions se sont transformées en larmes, depuis trop longtemps refoulées. En sanglots étouffés dans mon oreiller. À en avoir de la misère à respirer, à reprendre mon souffle. Je me suis mise à penser à ce qui m'avait amené jusqu'ici…. en ce moment, avec ces émotions. Avec l'impression de ne rien avoir en avant de moi, sauf le doute.
Sur quelle route mes pensées se sont-elles dirigées pour m'amener ici… à pleurer seule dans mon sac de couchage, au camp où je suis bénévole, que j'adore et qui est mon oasis de paix.
Puis, question de me calmer, je me suis mise à réfléchir aux choses qui m'ont fait rire dernièrement. Mais vraiment rire. Aux larmes. Puis je me suis souvenue que j'avais fait un "post" Facebook sur ma page personnelle en promettant de raconter une histoire. Une histoire de Papillon. Je vais tenter de faire ça passablement court. Mais ne vous fatiguez pas trop vite, je vous jure que ça en vaut la peine et je vous JURE que l'histoire est vraie. Complètement véridique.
Un vendredi matin, au camp Minogami où je suis bénévole, le téléphone a sonné à 7:30. Ce qui est rarement une bonne nouvelle. Mon œil hagard s'est ouvert et mes oreilles se sont dressées, comme celles d'un chien. Comme je le redoutais, une voix a appelé l'infirmerie au CB. J'ai pris l'appel. Un moniteur m'appelait parce qu'un campeur n'allait pas bien. Ils sont en expédition de canot-camping, à 138 km au Nord de Girardville, dans les chemins forestiers du Saguenay, sur la rivière Ouasiemsca. Avec la coordination, nous prenons la décision d'aller évacuer le campeur, ou du moins l'évaluer adéquatement (parce que évaluer via téléphone satellite, ce n'est pas toujours évident).
Je pars donc sur la route, avec 3 membres du personnel du camp, 2 chauffeurs et 1 qui va remplacer le campeur si on l'évacue, dans un minibus blanc, communément appelé Le Sauvageau. La route est longue pour s'y rendre. Nous arrivons 6h après notre départ mais le chemin que nous devions prendre ensuite avait été coupé par une crue. Ça ne se voit pas sur une carte, évidemment.
Le chauffeur réussit donc à rejoindre la coordonnatrice des expéditions via le téléphone satellite et nous devons retourner à Girardville pour reprendre un autre chemin. Nous ne trouvons pas l'endroit. Il fait noir et nous essayons plusieurs bifurcations, sans succès. Il pleut légèrement mais assez pour que la ligne du téléphone satellite coupe constamment, ce qui fait LÉGÈREMENT descendre tous les saints du ciel de la bouche de notre chauffeur, qui décide, à un moment donné de s'équiper d'un imperméable et d'une lampe frontale et de monter sur le toit du Sauvageau pour avoir une meilleure réception. Il réussit finalement à rejoindre un autre coordonnateur aux expéditions, et ils jasent de route pendant que je prends religieusement des notes sur le chemin qu'il nous indique. Je lève la tête et aperçoit brièvement un papillon de nuit. Un gros. Laid et toute la patente. Je suis concentrée sur mes notes et tout à coup j'entends un bruit d'étouffement et une petite toux, suivi d'un bref haut-le-cœur. Je lève la tête et j'entends un retentissant: " TABARNAK! J'AI AVALÉ UN PAPILLON!!!" J'éclate de rire. Des rires qui résonnent dans la forêt où nous sommes et qui me font un bien fou.
Au bout de 5 minutes, nous rentrons dans le Sauvageau pour que notre chauffeur nous explique le plan. Il commence à parler, 20-30 secondes. Il tousse, légèrement et puis un gros coup comme s'il avait un chat dans la gorge. Un chat? Nenon. LE foutu papillon sort de sa bouche et recommence à voler dans le Sauvageau, bien à l'aise de son aventure dans la gorge d'un être humain.
Nous avons tous eu un moment d'arrêt. La face de Frank, le chauffeur, valait 100 millions. Une face de dégoût, avec des yeux de merlan frit, mélangée à de la surprise et complètement estomaqué Genre de face que ferait un enfant qui découvre ses parents en train de faire l'amour.
Il s'est lentement retourné vers moi et a demandé, pas trop certain de ce qui venait de se passer: "est-ce que je viens de tousser un PAPILLON, là??" Il avait encore son air de chevreuil en avant des phares de voiture. J'ai dit oui, d'une petite voix et nous avons tous éclaté de rire, intensément et longuement. Puis nous avons repris nos esprits, et la route par la même occasion.
Le chemin n'était encore pas le bon mais nous sommes arrivés à un chalet, sur le bord de la rivière où il semblait y avoir des gens. Il était 00:30. Nous avons tranquillement fait le tour de la propriété, avant de se décider à cogner. Un couple de jeunes retraités sont arrivés à la porte, un peu apeurés, mais dès que Frank a prononcé les mots "Camp Minogami", ils nous ont ouvert la porte et nous ont accueillis comme de vieux amis. L'homme nous a raconté être allé conduire une campeuse à l'hôpital l'an dernier ou l'autre avant, alors que le groupe passait devant son chalet et que par la suite, le camp leur avait envoyé des chandails du camp et autres pour les remercier. Depuis, ils s'installent près de la rivière et saluent les campeurs qui passent sur ce trajet quand ils les voient. Ils nous a confié avoir reçu des petits messages de bonjour ou de remerciements sous son tapis de porte, de la part des moniteurs/monitrices à l'occasion. La dame à lavé et rempli chacune de nos gourdes d'eau. En me voyant, la seule fille du groupe, elle s'est avancée vers moi: "J'ai des TOILETTES! As-tu besoin d'y aller?" On a tous ri un peu et j'ai dit: "non merci, je suis une fille de bois, il n'y a pas de problème, je me suis organisée."
Nous leur avons dit que nous cherchions tel endroit, l'homme nous a offert de nous y conduire. Il connaissait les chemins par cœur. 15 minutes plus tard, nous trouvions les campeurs. Si jamais vous lisez ceci, Yves et Sylvie, vous serez a jamais dans mon cœur et je n'oublierai jamais votre générosité au milieu de la nuit.
Nous avons dormi un peu avant de reprendre la route avec le campeur, dont l'état était stable, mais il souhaitait revenir au camp pour prendre quelques jours de repos. Nous nous sommes donc dirigés vers une auberge à Dolbeau-Mistassini, question d'avoir quelques heures de sommeil dans le corps, et où nous devions également retrouver une autre campeuse évacuée par une autre équipe, avant de revenir au camp le lendemain, tous ensembles. (Si vous vous posez la question, ça n'arrive pas très souvent, plusieurs évacuations en même temps).
En retournant vers la civilisation, j'ai soudainement vu LE Papillon voler devant moi. J'ai dit à Frank: "regarde!! C'est celui-là! C'est lui que tu as avalé!!" Il riait.
– Bin non! Marie! IM-POS-SI-BLE!!! Il est bien trop gros!
– Frank, je te le jure! Crime je l'ai vu avant d'entrer et je l'ai VU sortir de ta bouche à même pas 1 mètre de moi!
– AAAAAARRRRRKKKKK! Mais yé bin gros!!!!
-Ouep…..
Cet éclat de rire entre Frank et moi, a duré facilement une heure où on se racontait et on recommençait à se raconter l'histoire, en riant aux larmes et en n'y croyant presque pas nous-mêmes. Nous avons même décidé, pour une raison obscure, de baptiser le papillon Sylvain. On trouvait que ça lui allait bien. J'ai fini par dire: "tu sais que je vais me faire un point d'honneur de répandre cette histoire sur le camp et que ton nouveau surnom va officiellement être Papillon, non?" Il m'a dit oui en riant. On sait tous les deux que le "gossip" se répand plus rapidement qu'un virus dans un camp de vacances. (Il ne sait pas que je tiens un blogue par contre. Lui, il écrit des chansons, moi, des textes.)
Le lendemain matin, on s'est levés en vitesse à 15 minutes du checkout de l'hôtel , trop endormis pour entendre nos réveils dans nos chambres respectives. Nous sommes allés prendre un respectable déjeuner pour emporter au McDo le plus proche. À notre retour dans le Sauvageau, Sylvain gisait, sur le tableau de bord, mort de sa belle mort. Nous avons observé une minute de silence, puis lui avons fait une sépulture décente dans une napkin du McDo.
Et c'est comme ça que j'ai voyagé avec Papillon.
Avez-vous déjà entendu pareille histoire? 😉